Histoire d'un matériau : le caoutchouc L'histoire fascinante du caoutchouc
Le caoutchouc, matériau fantastique aux usages multiples, est issu de la transformation du latex naturellement sécrété par des végétaux tel que l'hévéa ou le guayule. Il peut également être d'origine synthétique à base de monomères issus d'hydrocarbures fossiles. Le caoutchouc fait partie de la famille des élastomères.
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Si généralement le caoutchouc est associé à l'hévéa (Hevea brasiliensis) il tire en réalité son nom du figuier à caoutchouc (Ficus elastica, famille des moracées) originaire d'Asie. Cette plante tropicale n'est pas inconnue sous nos latitudes car très appréciées comme plante d'intérieure pour la beauté de son feuillage. Mais il existe, ici même en Suisse, de nombreuses plantes qui sécrètent également un latex blanc lorsque l'on coupe leurs tiges ou leurs feuilles comme la chicorée, la laitue, le pissenlit ou encore le salsifis. Il existe encore d'autres familles de plantes qui produisent du latex, les moracées (figuiers), les apocynacées (ordre des gentianales) que l'on trouve en Europe comme la grande et la petite pervenche, les papayacées intertropicales (papayer) et la famille des papavéracées à partir duquel on obtient, chez Papaver somniferum, l'opium.
Un matériau connu depuis des millénaires
Il est difficile de dater les premières utilisations du caoutchouc mais les historiens s'accordent sur le fait que les civilisations précolombiennes connaissaient et utilisaient ce matériau. L'origine du mot caoutchouc vient du quechua, caotchu où Cao signifie bois et tchu qui pleure, on le nomme également « arbre qui pleure ». Les Mayas et les Aztèques l'utilisaient pour leur sport national, le « jeu de balles » mais le consommaient également pour ses propriétés médicinales. À la suite des grandes découvertes (XVe siècle) les explorateurs et colonisateurs européens observent en Amérique centrale et du sud chez les peuples autochtones l'utilisation d'un matériau qui leur était alors inconnu. Les peuples amérindiens confectionnent à partir du latex de nombreux objets par moulage sur argile (balles, torches, toiles cirées).
Ramené en Europe cette matière inconnue ne suscita que peu d'intérêt car il était difficile de lui trouver une application. En effet le latex sous sa forme naturelle présente plusieurs inconvénients :
- il devient collant lorsqu'il est exposé au soleil ;
- il fond à la chaleur et casse au froid ;
- il se coagule et brunit à l'air libre.
Ce n'est que beaucoup plus tard au XVIIe siècle que les naturalistes français Charles Marie de La Condamine et François Fresneau de La Gataudière redécouvrent le caoutchouc naturel au Pérou, en Équateur et en Guyane. C'est La Condamine qui francisa le nom en caoutchouc et qui fit la première description scientifique de ce matériau qu'il rapporta en France en 1736 d'une expédition en Amérique du Sud. Ce siècle ne connut que peu d'applications pour le caoutchouc. La première application connue du latex en Europe remonte à 1770. On la doit à deux hommes : le chimiste anglais Joseph Priestley qui découvre les propriétés du latex à effacer les traces de graphite sur le papier et Edward Nairne, ingénieur et commerçant anglais qui invente officiellement la gomme à effacer et la vend dans son commerce sous la forme d'un cube d'un demi-pouce au prix de 3 shillings.
La seconde application est moins anecdotique car elle permit les prémices des premiers vols habités. Le 27 août 1783 à Paris décolla le premier ballon au monde gonflé à l'hydrogène. Il est le fruit de la collaboration entre Jacques Charles, physicien, chimiste et inventeur français et les frères Anne-Jean Robert et Nicolas-Louis, ingénieurs et aérostiers. L'enveloppe de ce ballon parfaitement sphérique était fabriquée avec de la soie imprégnée d'un vernis à base de caoutchouc pour garantir son étanchéité. Le brevet déposé en 1791 par l'industriel anglais Samuel Peal pour un procédé d'imperméabilisation des tissus et du cuire fut la dernière application conséquente de ce siècle.
La découverte qui changera tout
Il y a eu de nombreuses découvertes et dépôts de brevets au cours du XVIIIe siècle concernant les applications du caoutchouc mais celle qui changera vraiment tout c'est la découverte en 1842 de la vulcanisation par Charles Goodyear.
La vulcanisation est un procédé chimique où un agent vulcanisant (généralement du soufre) est incorporé à un élastomère brut pour relier entre elles les chaînes de macromolécules lors du processus de cuisson. La vulcanisation rend le caoutchouc moins plastique mais plus élastique. Historiquement on attribue la découverte de la vulcanisation à Goodyear même si c'est l'ingénieur anglais Thomas Hancock qui déposa le premier un brevet sur la vulcanisation du caoutchouc le 21 mai 1844. L'histoire personnelle et tragique de Charles Goodyear qui mourra endetté, les poumons rongés par les nombreux produits chimiques utilisés lors de ses expériences aurait pu passer aux oubliettes de l'histoire. Mais son nom perdure aujourd'hui encore sous la marque du célèbre fabricant de pneus américain (pour en savoir plus voir l'encadré).
Ce siècle verra encore l'apparition des premiers pneus pleins, à valve, démontables ainsi que les premiers préservatifs à base de caoutchouc. En 1888, John Boyd Dunlop, inventeur et vétérinaire écossais, déposa un brevet pour le premier pneumatique gonflable destiné aux bicyclettes. Avec le développement de l'utilisation du caoutchouc, le gouvernement britannique a décidé d'exporter la culture des hévéas en Extrême-Orient, considérant que le caoutchouc produit par les hévéas sauvages au Brésil ne pouvait pas répondre aux besoins de l'industrie. En 1876, l'anglais Henry Alexander Wickham rapporte 74 000 graines d'hévéa du Brésil à Londres. Ces graines seront cultivées au Kew Garden du Royal Botanic Gardens où seulement 3,6 % germeront. En 1877 onze plants sont envoyés à Henry Nicholas Ridley, directeur du Jardin Botanique de Singapour. Ce dernier mis au point une méthode de croissance rapide qui permit le développement à grande échelle de la culture de l'hévéa en Asie, principalement au Ceylan, en en Malaisie et en Indonésie.
Aujourd'hui 90 % de la production mondiale de caoutchouc naturel se concentre principalement dans cette région du monde à savoir la Thaïlande, l'Indonésie, le Viêt Nam, l'Inde, et la Chine.
Le XXe siècle, l'ère du caoutchouc industriel
C'est à partir du début des années 1900 que le caoutchouc connu un essor fulgurant. Le développement des véhicules automobiles a été le moteur de cette croissance. La demande en caoutchouc pour la fabrication de pneumatique ne fit que croître depuis le début du XXe siècle. Cette production industrielle a été à l'origine de pratiques inhumaines au point qu'en juillet 1904 une commission internationale pour enquêter sur les pratiques utilisées dans la production du caoutchouc fût crée. Une petite révolution vit le jour en 1907 avec la fabrication des premiers caoutchoucs de synthèse par le chimiste allemand Friedrich Carl Albert Hofmann. Cette découverte donnera naissance à certains élastomères toujours utilisés actuellement comme l'EPDM, le NBR ou le CR. En 1915 l'Allemagne produit déjà environ 2500 tonnes de caoutchouc synthétique par année. C'est également en Allemagne que fût développé en 1929 le SBR (styrène-butadiène). Dès le début de la seconde guerre mondiale, l'Allemagne sous embargo et les Etats-Unis privés de leur filière d'approvisionnement asiatique améliorent les procédés de fabrication du caoutchouc de synthèse. L'essor de l'automobile et la demande de plus en plus importante pour les pneumatiques poussa Michelin à développer la technologie du pneu à carcasse radiale plus adaptée à l'utilisation de caoutchouc naturelle. La France commença la production de caoutchouc synthétique à partir de 1958. À la fin du siècle, en 1980, les expériences faites avec le guayule naturel du Mexique permirent de mécaniser son exploitation avec un rendement supérieur à l'hévéa.
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