Journée de l'industrie Swissmem 2021 Libre-échange, prospérité et durabilité
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La 14e Journée de l'industrie Swissmem s'est déroulée pour la première fois dans le Tessin, le 24 juin dernier à Lugano. De nombreuses personnalités des mondes industriels et politiques ont discuté des liens entre le libre-échange, la prospérité et la durabilité.

Le gouvernement cantonal tessinois avait choisi l'événement de l'association faîtière de l'industrie MEM comme manifestation pilote pour la mise en place et l'évaluation d'un plan sanitaire en accord avec la lutte contre la propagation du coronavirus. Port du masque FFP2 obligatoire, badge et bracelet de contrôle obligatoire pour entrer et sortir, itinéraires à sens unique, tout était fait pour garantir la sécurité des participants à cette 14e Journée de l'industrie de Swissmem. Le pendant négatif de cette journée particulièrement bien organisée d'un point de vue sanitaire a été l'annulation des pauses restauratives, ce qui a fortement entravé les possibilités de rencontres et d'échanges. Cela n'a néanmoins en rien affecté la qualité des interventions sur le thème très actuel du libre-échange.
Une problématique commerciale, sociale et environnementale
Le thème du libre-échange et du commerce international est actuellement source d'inquiétude, pas uniquement pour l'industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM), mais pour toute la Suisse et le monde entier. Ce monde fait face à de nombreuses problématiques, qu'elles soient politiques, économiques ou écologiques. La suppression des obstacles au commerce après la seconde guerre mondiale ainsi que la mise sur pied de chaînes de valeur globales à partir de 1990 ont augmenté le niveau de prospérité global et diminué considérablement la pauvreté absolue. Mais aujourd'hui, les conflits commerciaux et le protectionnisme remettent ces progrès en question et l'élan positif s'essouffle. La pauvreté gagne à nouveau du terrain, principalement dans les pays qui ont été coupés des circuits commerciaux internationaux.
Outre les aspects purement commerciaux, la planète tout entière fait également face à un défi de taille : le changement climatique. Comment le libre-échange peut-il jouer en faveur de la collectivité et de l'environnement ? Réduire la consommation mène à la récession et c'est alors que les plus vulnérables sont touchés. C'est là que l'industrie MEM se positionne comme fournisseur de solutions en développant des technologies qui, très souvent, permettent de rendre l'économie respectueuse du climat. En exportant ces technologies innovantes, l'industrie suisse induit un effet de levier considérable à l'échelle globale pour réduire les émissions de CO2 et crée des emplois dans le monde entier. Tout cela n'est cependant possible qu'avec un accès aussi libre que possible aux marchés mondiaux. « L'innovation dresse des perspectives d'avenir et le libre-échange est le moteur de la prospérité et de la stabilité », affirme Martin Hirzel, président de Swissmem.
Accords entre la Suisse et l'Union Européenne.
Difficile dans le contexte actuel et vue le thème de la journée, de ne pas aborder le sujet des accords bilatéraux avec l'Union Européenne. Guy Parmelin, président de la Confédération, explique à ce sujet : « Nous avons opéré un choix basé sur une conclusion simple : la balance ne penchait pas suffisamment dans le sens des intérêts suisses. » Néanmoins, le président de la Confédération a assuré que le but du Conseil fédéral est le maintien d'un partenariat fort avec l'Union Européenne, partenaire commercial le plus important pour la Suisse.
Point de vue que partage Philipp Hildebrand, vice-président de BlackRock : « Il ne faut pas nous isoler et reprendre les discussions dès que possible. L'érosion des relations commerciales entre la Suisse et l'Europe ne sont dans l'intérêt d'aucune des deux parties. » En effet, la Suisse est également un partenaire commercial important pour l'Union Européenne, devant la Chine. Pour Sigmar Gabriel, ancien ministre allemand des affaires étrangères et président d'Atlantik-Brücke e.V, l'échec des négociations est une erreur de la part des deux côtés : « L'Union Européenne ne devrait pas être trop rigide, et la Suisse doit accepter qu'il faille un compromis. »
À la conclusion de l'accord-cadre sont en outre suspendues les collaborations de recherches dans le cadre du programme européen Horizon Europe 2021-2027.
La pandémie accentue le protectionnisme
Il n'y a pas que sur les accords avec l'Union Européenne que les différentes parties n'arrivent pas à travailler ensemble. Il est vital de comprendre les causes de cette montée de protectionnisme, car si les nations n'agissent pas rapidement main dans la main, les grands défis du monde actuel tels que les problématiques environnementales et sociétales seront difficiles à régler. La pandémie de coronavirus est un exemple probant de cet échec de coopération internationale dans l'intérêt commun.
« À la suite de la crise financière de 2008, les ministres du G20 se sont réunis pour analyser la situation et ont travaillé ensemble à l'établissement d'un plan de mesure pour sauver l'économie mondiale. Dans le cadre de la pandémie de coronavirus, aux conséquences bien plus vastes, il aurait peut-être été judicieux de faire de même », déclare Sigmar Gabriel. Or cela n'a pas été le cas. Ne serait-ce que la nomination du virus a mené à des conflits politiques. Mais ce n'est pas la pandémie qui a généré le protectionnisme, elle l'a juste accentué. « La volonté de coopérer avait déjà bien diminué avant cela, mais la pandémie a fait apparaître en plus un nationalisme sanitaire. Il y a donc un deuxième virus en circulation, celui du « moi d'abord ». La pandémie a rendu visibles les faiblesses des systèmes, sanitaires bien sûr, mais pas uniquement », ajoute Sigmar Gabriel.
La pandémie a également activé de nombreuses discussions sur la relocalisation des entreprises. Grâce à la digitalisation et l'intelligence artificielle qui amène une baisse des coûts de production, elle redevient avantageuse. Mais pour les pays qui se sont enrichis avec la mondialisation, la démondialisation aura des répercussions, entre autres sur la pauvreté.
Une question de pouvoir et de poids
Au cours des dernières années, on a pu observer un déplacement du pouvoir mondial, loin de l'Europe. Or, il vaudrait donc mieux ne pas se reposer sur ses lauriers et être acteurs plutôt que spectateurs, en particulier dans tout ce qui touche à la digitalisation. « Il faut faire attention parce que nous risquons de ne pas faire le poids contre les États-Unis ou la Chine. Un peu comme les derniers végétariens dans un monde de carnivores. Nous sommes experts dans tous ce qui est machines-outils, outils, et caetera, mais au niveau de la gestion des données par exemple, nous sommes sous la coupe d'un monopole qui n'est pas le nôtre », prévient Sigmar Gabriel. Il faut aussi être vigilant aux prises d'influence géopolitique par la géoéconomie, comme lorsque la Chine a acheté le port d'Athènes par exemple.
Alors que faut-il faire pour contrebalancer les forces en cours et maintenir la Suisse à son meilleur niveau ? « Il faut soutenir l'innovation, la décarbonisation et la numérisation. Malgré une croissance stagnante de la population, nous pourrons ainsi obtenir une plus grande création de valeur », affirme Philipp Hildebrand, ce que soutient également Sigmar Gabriel. Mais si ces innovations ne sortent pas des frontières du pays, elles ne pourront pas déployer tout leur potentiel. Et on en revient à l'importance des circuits et des accords internationaux. « Le commerce international fait bien partie de la solution et non du problème », affirme d'ailleurs Guy Parmelin.
Des avantages cruciaux pour les entreprises suisses
Parmi les principaux avantages liés aux accords commerciaux se trouve la réduction des taxes douanières. Et bien que la charge administrative liée aux ventes soit conséquente, pour une entreprise comme Mikron SA qui exporte 80 % de sa production, ce point est d'une importance capitale. « Les clients viennent vers nous pour la qualité de nos machines et de nos technologies. Mais nos produits sont aussi plus chers que ceux de la concurrence et il nous est parfois impossible de vendre dans les pays avec lesquels nous n'avons pas d'accords, car les taxes qui s'ajoutent aux prix de nos produits sont trop importantes », explique Walter Sayer, responsable du département Machining chez Mikron SA. En termes de compétitivité et d'exportation, les accords commerciaux sont donc vitaux.
Ils permettent également de protéger la propriété intellectuelle et les produits suisses à l'étranger : « Avant la mise en place d'accords avec la Chine, lorsqu'on vendait une machine on se retrouvait avec 10 copies en circulation. Il y avait aussi des sites Internet qui utilisaient notre nom et nos images pour vendre des produits qui n'étaient pas les nôtres. Depuis que ces accords existent, nous n'avons plus ces problèmes », raconte Christiane Leister, propriétaire et présidente du conseil d'administration du groupe Leister.
Une meilleure communication est nécessaire
Si le monde industriel est globalement en faveur des accords de libre-échange et convaincu de leurs bénéfices, ce n'est pas nécessairement le cas de l'opinion publique, comme en témoigne la faible acceptation (51,6 %) des accords de partenariat économique avec l'Indonésie. « Les approches de durabilité prévues dans des accords ont peiné à convaincre. Il faut davantage informer la population, pour que les gens comprennent mieux les tenants et aboutissants de ce genre d'accords », explique Thomas Braunschweig, expert en politique commercial chez Public Eye lors de la table ronde. Un avis que partage Guy Parmelin : « Pour gagner le soutien social à ce genre de question, les citoyens doivent pouvoir saisir l'importance cruciale pour nos entreprises de ce que ces accords représentent. »
Les détracteurs sont souvent plus actifs dans la communication que les défenseurs et un manque de communication simple et neutre sur ce type de sujets laisse la porte ouverte à la désinformation. « L'opinion publique se concentre souvent sur les moutons noirs, et soyons honnêtes il y en a, mais nous devrions améliorer la communication sur les points positifs liés à ces partenariats. On voit une nette amélioration des conditions de travail dans les pays avec lesquels nous avons des accords commerciaux. Ils permettent aussi de créer des emplois sur place, ce qui aide à la prospérité du pays », ajoute Christof Domeisen, PDG du groupe Angst+Pfister.
Une responsabilité sociale
Les accords de libre-échange modernes sont donc complexes et dépassent de loin le commerce. Ils sont extrêmement exposés aux valeurs sociales. En effet, les préoccupations de la population en termes de durabilité, de respect de l'environnement et de respect des droits de l'homme sont fortes, et prennent très souvent, dans l'opinion publique, un rôle plus fort que les aspects commerciaux. « L'accord de libre-échange avec l'Indonésie est un accord pionnier qui permet l'importation de produits certifiés durable. Un exportateur indonésien qui souhaite désormais voir ses produits sur le marché suisse va devoir suivre les règles d'économie et de développement durable définies dans ces accords. Alors il faut plus de dialogue, c'est évident, mais aussi une disponibilité aux compromis », explique Eva Jaisli, PDG de Swiss Tools AG. Ce à quoi Thomas Braunschweig ajoute : « Les gens veulent un commerce équitable, dans lequel les piliers économiques, écologiques et sociaux sont à importance égale. Il faudrait par exemple des clauses plus contraignantes liées aux droits humains dans ces accords. De telles clauses doivent cependant être claires et contrôlables, sinon elles ne seront pas respectées et n'auront pas l'effet escompté. »
Les accords commerciaux pourraient également avoir un rôle moteur dans la résolution de la crise migratoire. « En investissant dans les pays africains par exemple, nous pouvons les aider à définir une stratégie claire afin qu'ils génèrent à moyen terme leur propre croissance. La nécessité pour les citoyens de quitter leur pays sera alors automatiquement réduite. C'est une tâche difficile mais à long terme nécessaire », affirme Philipp Hildebrand. Avis que partage Julia Künz, co-présidente des Jeunes Vert-e-s Suisse : « Il y a actuellement toujours des perdants avec le libre-échange. Nous pourrions par exemple commencer par aider les pays à renforcer leur économie interne, avant de l'ouvrir à la nôtre. Nous devons créer un système dans lequel le gain des uns ne signifie pas la perte des autres. »
Pour résumer, et comme l'a dit le conseiller d'État tessinois Christian Vitta : « L'industrie MEM est un secteur clé, et la Suisse a besoin d'alliés solides et fiables. Les accords de libre-échange sont un outil de marché essentiel pour renforcer l'économie et la prospérité de notre pays, lutter contre le changement climatique et poursuivre de manière cohérente la lutte contre la pauvreté. » MSM
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