Mécanique lourde en Suisse Un savoir-faire unique plus que centenaire
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Qui n'a jamais aperçu ces imposantes machines jaunes stationnées en gare ou s'affairant avec puissance et fracas à l'entretien des voies ferrées ?

Sans elles et tout le personnel nécessaire à leur bon fonctionnement, il serait impossible pour les exploitants de garantir un haut niveau de disponibilité du réseau ferroviaire. Tout cela nous le devons au fabricant suisse Scheuchzer SA, fleuron romand de l'industrie ferroviaire nationale.
Basée historiquement dans l'ouest lausannois, l'entreprise doit beaucoup à son fondateur, Auguste Scheuchzer (1878-1960), inventeur de deux machines essentielles aux travaux mécanisés de la voie ferrée : la cribleuse et la bourreuse. La première défait le ballast compacté et le nettoie, puis la seconde positionne exactement la voie par compactage du ballast situé sous les traverses à l'endroit où s'appuie le rail. La mécanisation du travail permet des interventions de nuit avec un minimum de perturbation sur le trafic ferroviaire, caractéristique essentielle des machines de type Scheuchzer.
Aujourd'hui l'entreprise compte plus de 500 collaborateurs et continue d'innover en développant des machines spéciales parfaitement adaptées aux conditions complexes du réseau ferroviaire suisse. Scheuchzer est bien plus qu'un fabricant car l'entreprise exploite également elle-même ses machines dédiées à l'entretien des voies. L'important savoir-faire accumulé au fil des décennies permet à Scheuchzer de proposer des machines et des systèmes toujours plus performants. Forte de cette expérience, l'entreprise est l'interlocutrice privilégiée tant pour les travaux d'entretien que pour ceux de réfection comme l'assainissement, l'abaissement de tunnels, la substitution et libération des rails ou encore le criblage dans les zones étroites.
Pour fabriquer ces impressionnantes machines, principalement constituées d'éléments mécano-soudés, l'entreprise dispose de nombreux moyens de production dont un atelier mécanique.
Nicolino Casula, directeur des ateliers Scheuchzer nous fait visiter le site de production de l'entreprise et répond aux questions de la rédaction en collaboration avec Philippe Cloux, responsable méthodes et planification ainsi que Elena Luzio, directrice ventes et marketing.
Scheuchzer dispose de machines parfaitement adaptées à la complexité du réseau ferroviaire suisse. Quelle part de marché représente la Suisse pour votre entreprise et quelles sont les particularités de notre réseau ferré ?
Elena Luzio : Pour Scheuchzer SA, le marché suisse représente environ 75 % du volume d'affaire, la particularité du réseau suisse résidant principalement dans le fait qu'il a une topographie particulière. En effet, le réseau suisse, en comparaison à celui de nos voisins, est l'un des plus denses au monde. La multitude d'ouvrages d'art, de gares et de tunnels nécessite l'utilisation de machines spécifiques dites à gabarit restreint, qui permettent la circulation sur la voie contiguë. Notre entreprise dispose du savoir-faire nécessaire à la réalisation, non seulement des travaux sur la voie, mais également sur son site de Bussigny dans la conception et la fabrication de machines sur mesure qui répondent aux impératifs sécuritaires et commerciaux de nos clients.
En tant qu'unique entreprise en Europe réalisant l'ensemble des travaux nécessaires au bon fonctionnement des voies ferrées, que représente pour vous le marché européen ?
Elena Luzio : Avec les besoins croissants en termes de mobilité douce dans quasiment tous les pays du monde, les travaux d'entretien ferroviaire suivent la même tendance. Le marché européen représente environ 20 % de nos activités actuellement. L'entreprise n'est pas dans une démarche offensive sur le marché européen mais au contraire opportuniste, nous allons là où il nous semble pouvoir apporter notre expertise.
Avez-vous également des contrats ailleurs dans le monde ?
Elena Luzio : Non, la Suisse et l'Europe nous suffisent parfaitement.
À première vue, rien ne ressemble plus à une voie ferrée qu'une autre voie ferrée. Quelles sont aujourd'hui les améliorations les plus importantes qui ont été apportées aux voies ferrées ?
Nicolino Casula : À première vue oui, rien ne ressemble plus à une voie ferrée qu'une autre voie ferrée. Néanmoins, la construction et l'entretien d'une voie ferrée nécessitent l'utilisation de machines lourdes ainsi qu'une logistique très précise pour l'acheminement et l'évacuation des matériaux. Les évolutions techniques apportées à ce jour résident essentiellement sur les données et la performance des chantiers ainsi que les résultats de qualité obtenus. Garantir une qualité jour après jour régulière, performante et environnementale.
Vous développez et fabriquez vos propres machines sur votre site historique de Bussigny. Quels sont les procédés de fabrication principaux que vous utilisez ?
Nicolino Casula : La conception, la fabrication et l'exploitation de nos machines est l'ADN de l'entreprise, c'est ainsi que l'histoire a commencé il y a maintenant plus de 100 ans. Nos productions sont principalement faites d'acier de construction, nous sommes spécialisés dans le mécano-soudé, ce procédé de fabrication nécessite un savoir-faire particulier qui requiert une main-d'œuvre qualifiée. Nous disposons en interne d'une centaine de collaborateurs qui à eux tous réalisent tout le travail nécessaire à la fabrication, la révision, la modification et l'entretien de nos véhicules ferroviaires.
Quels sont vos besoins en matière d'usinage et de quel parc de machines-outils disposez-vous ?
Nicolino Casula : Le domaine de la construction de machines ferroviaire est une industrie lourde et nécessite donc des équipements en conséquence. Nous disposons en interne de centres d'usinage CNC capables de passer des pièces de gros volume. Notamment une Reiden BF5 disposant d'une table pouvant accueillir des pièces de 4000 mm de longueur pour 1500 mm de large. Côté tournage CNC, nous disposons d'un tour de grande capacité, pouvant aller jusqu'à un diamètre de 1000 mm sur une longueur de 3000 mm. Pour les pièces de « moyennes et petites » dimensions, nous disposons de trois tours CNC, deux perceuses, une planeuse, une rectifieuse cylindrique, deux fraiseuses conventionnelles, deux tours conventionnelles le tout complété par une fraiseuse CNC 5 axes Reiden BFR1.
Pour des questions évidentes de poids et de coûts, vos machines font principalement appel à la fabrication mécano-soudée. Constituées de tubes et de plaques soudées ces structures sont par nature plus sujettes aux déformations et peuvent générer d'importantes vibrations lors des opérations d'usinage. Comment gérez-vous ces problèmes pour assurer des usinages précis sur des pièces de grandes dimensions ?
Nicolino Casula : Lors de la conception de certaines pièces, notre bureau technique travaille en étroite collaboration avec les ateliers de production. Cette collaboration permet d'optimiser au maximum le passage des pièces sur nos centres d'usinage. L'expérience de nos opérateurs permet en amont de la fabrication de prévoir par exemple, des surépaisseurs ou encore travailler la géométrie de la pièce pour éviter les problèmes liés aux vibrations.
Par exemple la structure géométrique des cadres basculants pour vos trains de meulage nécessite de pouvoir usiner à l'intérieur de chaque cellule. Cela impose obligatoirement une fraiseuse avec un bélier et une tête de fraisage pivotante compacte pour accéder à toutes les zones d'usinage. Vous disposez pour cela d'une fraiseuse Reiden BF5 qui a été partiellement rétrofitée par le fabricant. Quels sont les avantages d'un rétrofit et pensez-vous que les machines-outils modernes sont adaptées à vos applications particulières ?
Philippe Cloux : Notre Reiden BF5 nous est indispensable. En effet, cette machine offre des possibilités dont très peu de centres d'usinage CNC modernes disposent. En 2013, elle a subi un lifting complet, ce rétrofit était nécessaire pour fiabiliser la machine et la rendre disponible pour notre production. L'avantage de cette machine par rapport à une machine « moderne » est sa compacité. Le rapport entre l'empreinte au sol de la machine et la taille des pièces qu'elle peut usiner est imbattable. Les machines actuelles seraient évidemment adaptées à nos besoins, mais les dimensions seraient colossales et nécessiteraient l'utilisation d'une grande partie de notre atelier.
En matière de tournage vos besoins nécessitent également des machines-outils imposantes tout particulièrement pour l'usinage des roues et des essieux. Vous êtes actuellement à la recherche d'un successeur pour votre tour Geminis. Quels sont vos besoins dans ce domaine et quelle plus-value vous apportera cette nouvelle machine ?
Philippe Cloux : Nous disposons actuellement d'un tour Geminis qui très honnêtement fait le travail. Néanmoins celui-ci à plus de 20 ans, et nous constatons que les nouvelles générations de tours CNC « grandes capacités » ont évolué et offrent des solutions beaucoup plus avantageuses pour les travaux qu'on lui destine. La plus-value réside dans les solutions développées par les constructeurs pour le reprofilage des essieux. Actuellement, le porte-outil se trouve sur le même banc que la contre-pointe, ce qui nécessite une manipulation des essieux lors de l'usinage. Les nouveaux tours sont pour la majorité équipés d'un banc secondaire indépendant de la contre-pointe.
Vos travaillez régulièrement avec des aciers fortement alliés à l'usinabilité difficile. Quels sont vos principaux partenaires en matière d'outillage de coupe ?
Philippe Cloux : Nous travaillons avec tous les grands noms de l'industrie des outils de coupe, chacun est spécialiste dans son domaine. Ce que nous apprécions c'est le conseil sur mesure, que certains partenaires nous offrent.
Comment voyez-vous à plus long terme l'évolution de l'atelier d'usinage ?
Nicolino Casula : En premier lieu il est important pour nous d'avoir un atelier fiable et disponible, notre marché principal nous l'impose et nous mettons tout en œuvre pour assurer un travail de qualité à l'entière satisfaction de nos clients et nos collègues. Il est évident que certains investissements seront nécessaires dans le futur, notre parc de machines-outils, bien que fiable et disponible, prend de l'âge.
Avez-vous des difficultés à trouver des polymécaniciens qualifiés ?
Nicolino Casula : La conjoncture actuelle rend effectivement le recrutement de collaborateur qualifié difficile, voire laborieux. Nous comblons partiellement ce manque en formant des jeunes aux métiers techniques.
Votre entreprise est proactive en matière de formation. Quelles sont les possibilités d'apprentissage chez Scheuchzer ?
Nicolino Casula : La formation est une tradition dans notre entreprise, nous avons chaque année des places d'apprentissage ouvertes. Nous formons principalement dans les métiers techniques : Polymécanicien / Mécanicien de production, Constructeur d'appareils industriels, Dessinateur constructeur industriel, Mécanicien en machines de chantier, Logisticien, Informaticien et Employé de commerce.
MSM
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