B Lab : améliorer la performance en entreprise Redéfinir la notion de succès en entreprise
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B Lab Suisse est une fondation d'utilité publique à but non lucratif faisant partie d'un réseau international qui s'est fait connaître à travers la certification B Corp. Cette organisation a été créée aux Etats-Unis en 2006 et est aujourd'hui présente sur les cinq continents. Son objectif est de transformer l'économie mondiale pour que celle-ci bénéficie à tous les humains et à la planète. Rencontre avec Jonathan Normand, fondateur et CEO de B Lab Suisse.

B Lab Suisse, guidé par l'ambitieux et engagé Jonathan Normand, vise à redéfinir la mission de l'entreprise en Suisse depuis 2017. Les dérèglements climatiques, les inégalités dans la répartition des richesses ou encore l'absentéisme au travail sont des problématiques avérées. B Lab Suisse ambitionne de changer la culture d'entreprise pour changer le monde. En effet, les entreprises ont un rôle crucial à jouer dans la résolution des défis actuels et de demain. Elles ne doivent pas être les meilleures du monde, mais bien les meilleures pour le monde.
Pour effectuer ce passage vers une économie de transition, l'organisation B Lab met à disposition des outils, des programmes d'accompagnement et la certification appelée B Corp afin d'adopter une structure d'entreprise inclusive et durable. Ce changement de paradigme amène une multitude d'opportunités. Parmi elles, la possibilité d'améliorer le bien-être au sein de sa structure pour diminuer le taux d'absentéisme, fidéliser ses collaborateurs ou encore attirer les nouveaux talents sensibles à ces thématiques. La santé et le bien-être font partie des 17 Objectifs de Développement Durables (ODD) et sont au cœur de la réflexion sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE). À la sortie d'une pandémie planétaire dont les répercussions sur les employés commencent à se constater, quelles sont les bonnes pratiques pour répondre aux attentes de ses collaborateurs ? Et comment amorcer ce virage ? Début de réponses avec le co-fondateur de B Lab Europe et CEO de la fondation B Lab Suisse, Jonathan Normand, qui nous accueille dans leurs nouveaux bureaux situés à Lausanne.
Quelles sont les missions de B Lab ?
Nous souhaitons redéfinir la notion de performance en entreprise afin qu'elle ne touche pas que les aspects économiques et financiers mais aussi les questions sociales, environnementales, RSE, de formations, de bien-être au travail, d'inclusivité (entre autres). Nous avons développé notre théorie du changement à travers différents points dans le but de changer la façon de penser et la culture du monde de l'entreprise. Le système économique actuel crée des inégalités par son modèle élitiste et exclusif prédominé par l'actionnariat. Le processus de décision est organisé dans le but de ramener des dividendes aux décideurs. Bien que ce fonctionnement ait permis la création d'emplois, il n'est plus viable tel qu'il est aujourd'hui. D'un point de vue économique et global, il y a 29 individus qui détiennent la même richesse que 4 milliards de personnes. Cette concentration massive de pouvoir sur un minuscule groupe amène un certain nombre de questionnements. La société ne fonctionne pas pour l'intérêt général mais pour un nombre réduit d'individus. Chez B Lab, nous travaillons pour orienter le prisme sur des aspects de durabilité qui sont bénéfiques pour une plus grande partie de la population.
Comment traduisez-vous et structurez-vous cette vision ?
Nous avons défini trois axes de travail afin de transmettre notre approche. Premièrement, un outil, le B Impact Assessment, qui est disponible gratuitement. Il permet aux entreprises de mesurer leurs pratiques et les domaines à améliorer. Puis, il y a la certification B Corp ou encore le programme d'engagement Swiss Triple Impact qui crédibilisent et valorisent le travail effectué par les entreprises pour améliorer leur RSE. Le dernier angle correspond aux aspects juridiques. Lorsqu'une entreprise est certifiée B Corp, ses statuts juridiques doivent inclure la mission au-delà du profit ainsi que des objectifs durables dans l'ADN de la société. Aujourd'hui, plus de 30 000 entreprises ont changé leurs statuts dans le monde. Il existe même en Italie une raison sociale, Societa Benefita, qui se réfère à cette labélisation. C'est un projet que nous souhaitons amener en Suisse courant 2023. Les entreprises suisses devront répondre à ces contraintes de transparence car les autres pays avancent dans cette direction. Il existera des standards de RSE allant de la chaîne d'apprivoisement au bien-être des collaborateurs. Les entreprises suisses ne pourront plus évoluer dans le marché européen si elles ne répondent pas à ces exigences d'ici 2025-2026. Nous avons réalisé de beaux progrès depuis 2007, mais nous pouvons faire encore mieux. Ces démarches qui peuvent être perçues comme des contraintes sont en fait de réelles opportunités !
En quoi consiste l'outil du B Impact Assessment concrètement ?
Cela fait 400 ans que nous avons réussi à mettre des plans comptables dans les entreprises pour mesurer le rendement financier... mais il est évident qu'il faut désormais un outil pour mesurer la performance extra financière ! Le B Impact Assessment est un outil gratuit à la disposition de tous et confidentiel. Nous avons 300 000 organisations dans le monde et 5000 en Suisse qui l'utilisent. Il fonctionne comme un outil de gestion dans le but d'identifier les bonnes pratiques ou les manquements en termes de gouvernance, de qualité de vie en entreprise, d'environnement, de gestion de l'approvisionnement, etc. Il est exhaustif et précis.
Nous avons développé une base avec des standards vérifiables, mesurables et répétables. Puis, des notions spécifiques ont été ajoutées suivant le secteur d'activité. Il existe 77 versions actuellement.
Et la certification B Corp ?
La certification B Corp représente la pointe de l'iceberg. Elle permet de valoriser le travail de ces entreprises mais ce n'est pas la finalité en soi. Plusieurs entreprises prennent des mesures durables après avoir utilisé l'outil B Impact Assessment sans forcément se faire certifier. L'objectif premier est de faire évoluer les entreprises vers cette économie de transition et de les encourager à améliorer leur impact. En ce qui concerne le processus, nous mettons l'outil à disposition et en parallèle l'entreprise crée un comité à l'interne (accompagné par des B-Leaders, des praticiens qui accompagnent l'entreprise dans ces étapes préliminaires). Puis, l'entreprise nous soumet sa candidature et une évaluation par des analystes externes est réalisée sous la forme d'audit afin de savoir si elle remplit les critères. Cette marche à suivre doit être reproduite chaque trois ans.
Est-ce un investissement monétaire considérable ?
La certification ne coûte pas énormément. C'est un investissement absorbable pour une entreprise, cependant le processus amène de vrais questionnements qui prennent du temps. Nous proposons également un programme 100 % suisse qui se nomme le Swiss Triple Impact. Ce dernier est plus léger que la certification B Corp et il amène les entreprises à restructurer leur stratégie autour des 17 objectifs de développement durables. Le Swiss Triple Impact est complémentaire à la certification B Corp.
Quel est le rôle de l'entreprise dans le bien-être de ses collaborateurs ?
Elle doit avant tout amener de l'espoir en donnant du sens aux tâches de ses collaborateurs. Au-delà des bonnes pratiques, il y a des questions de leadership et de culture. Ce n'est pas en mettant un baby-foot que la qualité de vie sera améliorée. C'est plus structurel surtout dans un pays comme la Suisse avec des systèmes qui assurent une base déjà élevée en comparaison à d'autres pays. L'absentéisme est un très bon indicateur et peu d'entreprises arrivent à l'expliquer. C'est un problème complexe et difficile à cerner car il dépend d'une multitude de facteurs.
Par conséquent, quelles sont les tendances et les bonnes pratiques ?
Cela peut aller de la flexibilité d'horaires au télétravail, mais c'est surtout un type de management. Il est intéressant de constater que les premières demandes lors des entretiens correspondent aux dispositions prises pour le bien-être au travail. Il y a une vraie attente aujourd'hui. Avant de débuter quoi que ce soit, il est essentiel d'échanger avec les premiers concernés pour cerner leurs besoins. Le dialogue a permis dans la majorité des cas de remarquer qu'ils ne vont pas demander en premier des cours de yoga. Ce seront des éléments structurels et concrets tels que l'organisation des séances, la gestion du travail ou encore la mobilité au sens large. Ensuite l'entreprise peut aller plus loin en proposant des cours de cuisine afin de bien s'alimenter ou des spécialistes qui améliorent l'ergonomie de l'espace de travail etc.
Et plus spécifiquement dans les usines ?
La perception du travail est différente entre les métiers physiques et les postes dans des bureaux. L'usine est bien plus physique et pénible. Certaines structures ont entrepris d'analyser les chaînes de travail fatigantes pour les automatiser ou améliorer le confort. Par exemple, il y a eu une analyse chez des horlogers sur leur posture. Ils ont recommandé de changer la hauteur des sièges et la position. Par la suite, les maux physiques ont fortement diminué et par conséquent les absences. Un autre point est d'amener de nouvelles perspectives à ses collaborateurs. Le pire serait qu'un ingénieur fasse la même chose toute sa vie dans une chaîne manufacturière ou logistique. C'est une approche productiviste avec une pénibilité du travail élevée et de grandes chances qu'il finisse par changer de société.
Quelles sont les perspectives ?
Mon rêve serait de placer la Suisse en tant que leader durable dans tous les niveaux. La science nous dit que nous n'allons pas dans le bon sens, c'est un fait. Mais nous n'avons pas encore tenté d'inverser cette tendance à la hauteur des enjeux. Nous n'avons mis en place que 3 % des pratiques qui sont nécessaires pour résoudre les problématiques de durabilité. C'est-à-dire que nous ne sommes qu'au début du travail à réaliser et que rien n'est encore perdu. Cela me motive à me lever les matins car je sais que nous avons encore tout à faire !
Ce changement de culture que l'on prône commence par l'éducation. Nous avons 9 programmes académiques (en Suisse) et 400 dans le monde. D'ici 2030, il y aura un changement de génération à la tête de 60 % des PME suisses. Cela représente 380 000 entreprises. Il y a une vraie opportunité de repenser l'entreprise avec l'arrivée d'une génération consciente de ces risques mais aussi des opportunités. Cela me rend optimiste ! MSM
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