Sous-traitance Mécanique de précision en Inde

Rédacteur: Edouard Huguelet

Une filiale de production indienne impose ses choix face au siège américain. Au début des années 1990, la firme américaine de mécanique de précision Turbocam Inc., poussée par un client basé en Inde, a profité d’une nouvelle législation plus souple relative à l'implantation directe d'entreprises étrangères pour ouvrir une usine dans le pays.

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(Image: Haas Automation CNC)

Par cette nouvelle stratégie, l’entreprise indienne souhaitait pouvoir accéder à des commandes de pièces de grande qualité, sans devoir régler en devises étrangères. En échange, cette implantation permettait à Turbocam de prendre pied en Inde, dans l’une des économies les plus dynamiques au monde. Cela représentait un investissement à long terme impliquant un certain risque certes, mais le client avait assuré à Turbocam qu’il s'engagerait à maintenir le plein emploi dans la nouvelle usine.

Des composants essentiellement destinés aux turbomachines

Généralement, les filiales sont façonnées à l’image des maisons mères. Turbocam Inc. est une entreprise florissante et très respectée, qui dessert plusieurs des plus grands noms des secteurs aérospatial, automobile, industriel et maritime, fournissant des pièces de production à pales et ailettes destinées aux turbomachines. Lorsque la filiale Turbocam Pvt. fut établie, c’est tout naturellement que l’usine fut équipée de machines-outils CNC issues d’une marque que la direction du groupe connaissait et en laquelle elle avait confiance.

«À cette époque, nous étions majoritairement guidés par le siège social basé aux États-Unis», explique Savio Carvalho, directeur de la filiale Turbocam Inde de Goa. «Cela s’appliquait également au matériel d’équipement. En 2001 cependant, un changement s’est opéré, lorsque nous avons reçu une commande importante via Turbocam Europe, portant sur des segments d’isolateur à usiner sur 5 axes et destinés au Large Hadron Collider, (CERN, en Suisse). Nous avons au final réalisé environ 60'000 pièces. C’est au terme de ce contrat que je pense que nous avons gagné des galons auprès de notre siège américain. Ils ont eu une démonstration de ce que nous pouvions faire ici».

La commande du CERN s’élevait à plus d’1 million de dollars. Une fois les pièces finies livrées, la filiale indienne disposait ainsi des liquidités nécessaires pour investir dans des machines CNC plus performantes et plus récentes.

Un remarquable rapport prix-performances

«Nous étions déjà en contact avec le distributeur Haas local, qui nous avait parlé d’une entreprise des environs qui utilisait une machine Haas, un VF-3», se souvient M. Carvalho, qui précise: «Nous nous sommes alors rendu sur place pour la voir. Lorsque nous avons demandé au responsable son avis sur la machine, il a montré beaucoup d’enthousiasme. Personnellement, j’ai été impressionné par la puissance de la broche et la commande. Après avoir comparé ce modèle à d’autres machines et en avoir discuté avec d’autres personnes, il est ressorti que la solution de Haas Automation semblait présenter un remarquable rapport prix-performances, compte tenu de ses caractéristiques».

En 2004, la société a donc acquis un centre d'usinage VF-2SS, un premier achat qui se transformera par la suite en une suite de commandes de machines-outils CNC Haas. Toutefois, M. Carvalho se souvient qu’au cours de la première année, la machine fut rarement utilisée. «La majorité des opérations que nous réalisions à cette période impliquait 5 axes. Nous n’avions pas vraiment de travail pour notre machine Haas à 4 axes», explique-t-il, «mais nous en avons profité pour apprendre à savoir tirer pleinement parti son potentiel, utilisant ainsi notre temps à bon escient, dans un objectif de formation».

Pendant longtemps, Turbocam Pvt. a utilisé la machine Haas pour ébaucher les lames de turbine, avant de les usiner en finition sur ses machines à 5 axes. «Nous utilisions la Haas pour dégrossir en deux configurations» continue M. Carvalho, qui poursuit: «ce qui nous a permis de réduire substantiellement le temps de dégrossissage. Nous avons été convaincus par la rapidité et la fiabilité de la machine Haas. Elle avait réussi le test mais il nous fallait vraiment commencer à l’exploiter avec toutes ses ressources pour la finition de l’usinage des lames».

Le choix des machines Haas ne s'est pas d'emblée imposé...

Pure coïncidence, plusieurs des commandes reçues à cette époque, concernaient des lames de turbines moins complexes, ne nécessitant qu’un usinage en 4 axes. À partir de ce moment, la Haas est devenue une machine de production à part entière. «En 2005, nous avons exécuté la coupe de certaines pièces de test pour Cummings», continue M. Carvalho. «Un peu plus tard, ils nous ont donné le feu vert, en ajoutant qu’ils prévoyaient d’augmenter les cadences de production en un an et voulaient que nous produisions 10 000 pièces par mois. Nous devions alors impérativement nous équiper et acquérir plusieurs nouvelles machines, dans les plus brefs délais. Mais pour être honnête, le choix d’opter pour des machines Haas ne s’est vraiment pas imposé d'emblée à tout le monde».

...mais les Indiens plaident en faveur du constructeur américain

Début 2006, l’entreprise n’avait toujours pas décidé quelle machine-outil acheter. Si la filiale Turbocam Inde était convaincue qu’il fallait investir dans des unités Haas, le siège social américain avait un avis quelque peu différent. Pour plaider sa cause, M. Carvalho s’est alors rendu avec Onno Weststrate, de Turbocam Pays-Bas, à Hanovre, afin de visiter le stand de Haas Automation Europe, au salon biennal européen EMO dédié à la machine-outil. De là, il s’est envolé pour les États-Unis, afin de rejoindre le siège américain basé dans le New Hampshire, où il a rencontré ses collègues et leur a présenté ses arguments en faveur des machines Haas. Mais il n’est pas parvenu à entièrement les convaincre.

«J’ai alors dit à Terrence Miranda, directeur général de Haas Inde, qu’il devait persuader les Américains d’acheter des machines Haas», déclare M. Carvalho. «Il a ainsi organisé un rendez-vous entre Haas Inc. et Elliot Wilkins, notre directeur technique, et Keith Bainbridge, notre principal opérateur, à l’usine d’Oxnard, en Californie». Suite à la visite, toutes leurs réticences avaient disparu et la direction de l’entreprise s'en est retournée au New Hampshire avec un point de vue très différent.

«Ils ont été réellement impressionnés par la configuration de l’usine. Ils ont pu voir comment Haas construit ses machines, ont pu remarquer que Haas utilisait en grand nombre ses propres machines dans sa ligne de production et ont été stupéfaits par les pièces détachées et le système de stock, ainsi que par la philosophie générale de la société. Nous avons alors resoumis notre proposition au siège, et cette fois, la réponse fut positive. Nous avons alors passé commande pour huit machines Haas: deux tours et six fraiseuses. Aussi incroyable que cela puisse paraître, notre bureau américain nous a rapidement emboîté le pas, achetant également à son tour huit unités Haas»!

Vingt machines Haas

Quelques années plus tard, Turbocam possédait 20 machines Hass, soit 16 fraiseuses Haas et quatre tours, ces derniers alloués à la fabrication mensuelle des 14'000 pièces de turbines Cummings.

«À l’origine, nous tournions cette pièce à partir d’une barre», explique M. Carvalho. «Mais ce n’était pas très économique et générait beaucoup de déchet. Dorénavant, nous demandons au client de réaliser les pièces forgées et de nous envoyer les composants dès qu’ils sont ébauchés au tour, afin que nous réalisions le tournage final. Nous contrôlons chaque composant, une tâche réalisée par les opérateurs des tours, avant de le transférer au procédé de fraisage. Enfin, nous vérifions intégralement un élément fini sur onze, dans notre cellule métrologique climatisée, sur un centre de mesurage - MMS».

Le contrôle de qualité revêt une importance vitale. Les clients de Turbocam sont des constructeurs automobiles, dont Chrysler, Volvo et d’autres noms très connus. «Ils veulent avoir l’assurance que chaque pièce peut intégrer directement la ligne de production», confie M. Carvalho. «Dès lors, nos processus d’usinage se doivent tenir la route et être conformes aux valeurs CPK, les paramètres de contrôle».

À l’heure où nous écrivons ces lignes, la société attend une autre livraison de Haas Inde. Ce mois-ci encore elle comptera 23 fraiseuses Haas, à savoir 22 modèles VF-2SS et 1 modèleVF-3SS. En plus, bien sûr, des cinq tours Haas. Lors d’une semaine type, les machines fonctionnent du lundi 6h30 au samedi 22h30. Les dimanches sont consacrés à la maintenance préventive et constituent un jour de repos bien mérité pour les 105 employés de la filiale.

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