Emballage L'industrie de l'emballage face à de profonds changements

de Marina Hofstetter Temps de lecture: 9 min |

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Patrick Semadeni a de très nombreuses casquettes parmi lesquelles celle de représentant de l'industrie de la plasturgie suisse dans le comité directeur du SVI, l'association faîtière de l'industrie suisse de l'emballage (Schweizerisches Verpackungsinstitut). Il nous parle des défis qui attendent cette industrie dans son ensemble dans les prochaines années.

Face à l'apparition de  nouvelles régulations,  l'industrie de l'emballage devra fortement innover dans les années qui viennent.
Face à l'apparition de nouvelles régulations, l'industrie de l'emballage devra fortement innover dans les années qui viennent.
(Source : Adobe Stock)

Afin de mieux comprendre votre rôle au SVI, pouvez-vous nous expliquez succinctement vos différentes casquettes ?

Je dirige un groupe industriel de taille moyenne, actif dans la plasturgie. Je suis vice-président de Kunststoff.swiss, l'association faitière de l'industrie de la plasturgie suisse, qui couvre toute la chaîne des valeurs, des machines aux matières premières en passant par la transformation des matériaux. Je suis également promoteur chez B Lab pour le programme Swiss Triple Impact, qui promeut l'agenda 2030 de l'ONU dans le secteur privé et souligne l'importance de la transformation de notre économie vers plus de durabilité en aidant les entreprises industrielles à s'aligner sur les ODDs. Et puis je fais partie du comité directeur du SVI, l'association faîtière de l'industrie suisse de l'emballage, au sein duquel je représente l'industrie de la plasturgie. En tant qu'association faitière, le SVI regroupe tous les acteurs de la chaine des valeurs de l'industrie de l'emballage en Suisse, soit les producteurs d’emballages, les propriétaires de marques et les détaillants , et cela peu importe le matériau.

Un nouveau règlement sur les emballages et les déchets d'emballage dans l'UE a été proposé : quelles sont les nouveautés par rapport à la réglementation actuelle ?

À l'heure actuelle, il n'existe que des directives. Les directives donnent des buts à atteindre, la manière de les atteindre étant laissée à la liberté de chacun des pays.

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La proposition actuelle est une ordonnance, c'est-à-dire une loi que seront obligé de suivre tous les pays de l'Union Européenne de manière uniforme, avec obligation de résultats et dans des délais identiques pour tous les pays.

Quand cette ordonnance entrera-t-elle en vigueur ?

Cette proposition de la Commission Européenne est étudiée par le Parlement Européen et le Conseil de l'Union Européenne, et est donc encore ouverte à modifications.

Il n'y a pas encore de date précise pour son entrée en vigueur, mais je pense que cela arrivera rapidement, potentiellement d'ici la fin de l'année ou le début de l'année prochaine, car cette ordonnance fait partie du Pacte vert pour l'Europe (European Green Deal), priorisé par la Commission en charge.

Quels sont les avantages à la création d'une ordonnance ?

Garantir une homogénéité des régulations entre tous les pays de l'Union Européenne concernant les emballages est maintenant essentielle pour garantir la libre circulation des biens, l'un des piliers de l'Union Européenne. Jusqu'à présent, les pays comme la France, l'Italie, l'Allemagne, développaient au niveau national leurs propres règles, ce qui d'un point de vue depuis le niveau supérieur qu'est l'Union Européenne, n'était pas optimal. Et puis évidemment, le fait de remplacer des directives par un règlement ne va plus laisser le choix individuel aux pays, et tous devront mettre en place les actions nécessaires pour être en accord avec les buts environnementaux de l'Union Européenne.

Quels sont les points majeurs de cette proposition ?

À partir de 2030, tout emballage placé sur le marché devra être recyclable. Ce qui se cache exactement derrière ce terme doit encore être clarifié en détails. Quoi qu'il en soit, cela signifie que l'écoconception des emballages va prendre de l'ampleur. Mais ce point n'impacte pas seulement le design, car créer des emballages recyclables est une chose, disposer de la chaîne de recyclage en aval en est une autre. L'ordonnance prévoit que les emballages soient recyclables à partir de 2035, et que 75 % de la population de l'Union Européenne devra avoir accès à un système de collection des emballages. Un autre point, qui concerne uniquement les emballages plastiques, est à propos du pourcentage de matériau recyclé dans un emballage, avec deux étapes importantes dans l'implémentation, en 2030 et 2040. Pour presque tous les matériaux cette fois-ci mais chacun dans une certaine mesure, il y aura une obligation de possibilité de réutilisation ou de re-remplissage.

En ce qui concerne la recyclabilité des matériaux, quels vont être les défis ?

Les matériaux composites ou les matériaux faits de superpositions de couches de différents matériaux sont peut-être les cas les plus complexes. L'écoconception va décomplexifier les matériaux, ce qui est de mon point de vue une bonne chose, car moins de complexité signifie un recyclage plus simple et plus efficace.

Certains matériaux actuellement utilisés dans les emballages sont-ils amenés à disparaître ?

Non, je ne pense pas. En ce qui concerne le plastique par exemple, certaines décisions sont prises uniquement politiquement, le plastique ayant été diabolisé. Or, il se trouve que les solutions alternatives à l'utilisation de plastiques soient moins bénéficiaires pour l'environnement lorsqu'on regarde le cycle de vie du produit dans son ensemble. En effet, certaines matières issues de fibres naturelles sont issues d'un processus régénératif, mais ce processus peut prendre très longtemps. Un arbre, par exemple, ne repousse pas en un jour, et les jeunes arbres ne sont pas aussi efficaces en ce qui concerne la récupération et la transformation du CO2 par la photosynthèse que les vieux arbres. Les problématiques d'approvisionnement en eau et de protection de la biodiversité sont également des éléments à prendre en compte dans le choix d'un matériau. Il est donc nécessaire, quel que soit le matériau, d'avoir une approche systémique et de faire une analyse complète du cycle de vie. Les plastiques continueront donc de jouer un rôle important dans le domaine de l'emballage, mais seulement s'ils rentrent dans le cadre d'une économie circulaire.

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Comment se positionne la Suisse dans tout cela ?

La Suisse est un pays d'exportation, tant au niveau des biens que des emballages. En théorie, dans le futur, si un fabricant suisse vend directement une machine à un client en Europe et n’agit pas en tant d’importateur, il ne doit suivre que les réglementations effectives en Suisse, à l'heure actuelle inexistantes sur le sujet spécifique des emballages, avec exception de l'ordonnance sur les emballages pour boissons OEB. Or il est possible qu'au contrôle douanier, l'emballage, et donc le produit qu'il emballe, ne soit pas acceptés à entrer dans l'Union Européenne car ne répondant pas aux normes européennes. En ce qui concerne les fabricants suisses d'emballage, l'importateur européen va s'assurer que l'emballage qu'il achète est conforme aux règles en vigueur, et imposera donc au fabricant suisse de se soumettre à ses règles. Les emballages fabriqués en Suisse pour le marché suisse ne seront eux en théorie pas contraints. En pratique, les fabricants vont devoir s'aligner sur une grande partie de l’ordonnance européenne, les grands groupes suisses actifs à l'international l'exigeant. Quoi qu'il en soit, le passage à une économie circulaire reste un point important pour la Suisse, et il est sûr que certaines règles se mettront en place dans un futur proche.

Qu'en est-il des déchets ménagers, qui comportent un pourcentage important d'emballages ?

À l'heure actuelle, les cantons ont le monopole d'élimination des déchets ménagers, comme décrit dans la loi fédérale sur la protection de l'environnement. Cette loi est en révision et il est possible que les organisations privées puissent bientôt commencer à collecter les déchets ménagers.

La Suisse n'a donc pas de loi concernant les emballages, mais y a-t-il des projets en cours qui iraient dans ce sens ?

La Suisse et les entreprises suisses sont actives sur les questions environnementales, y compris celles liées aux emballages, et le potentiel d'amélioration est très important. Une étude menée par l'Office fédéral de l'environnement, appelée KURVE, a permis de calculer la quantité de déchets d'emballages plastiques en Suisse. Elle est estimée à 175 000 tonnes par an, ce chiffre excluant les emballages en PET. Nous traitons actuellement dans les filières de recyclage seulement moins de 10 % de tous les déchets plastiques, soit 790 000 tonnes par année. Pour augmenter ce pourcentage, le projet Sammlung 2025, mené par Swiss Recycling, est en cours. Plusieurs acteurs de la chaine des valeurs de l'industrie plastique travaillent sur l'implémentation d'un système de collection national des emballages plastiques et des cartons de boissons de type Tetra Pak. Pour les bouteilles en PET pour boissons qui sont déjà collectées, le taux de recyclage atteint la valeur excellente de 82 %.

L'industrie de l'emballage, tant suisse qu'internationale, se doit donc désormais d'innover…

En effet. D'une part dans la conception, tant au niveau du design que des matériaux, mais aussi au niveau de la décoration des emballages, de la signalétique, du tri, de la collecte, du recyclage, du suivi et du contrôle, etc. C'est toute la chaîne des valeurs qui doit être changée. Cela coûte cher, mais des règlements comme celui de l'Union Européenne apporte une sécurité d'investissement. La digitalisation jouera également un rôle majeur dans toutes les innovations qui verront le jour, car le fait de pouvoir simplifier, automatiser, et vérifier les filières de recyclage des emballages permettra de gagner en crédibilité et de gagner la confiance des consommateurs, qu'ils soient individuels ou industriels.

On parle justement beaucoup de Green Washing : le règlement de l'Union Européenne s'attaque-t-il également à ce point ?

Une régulation va être mise en place dans le cadre de la Green Claims Initiative, mais on n'en connait pas encore les détails. Le pire avec le Green Washing est qu'il punit ceux qui effectuent un travail environnemental sérieux. Par exemple, une entreprise qui considère seulement les scope 1 et 2 de la norme ISO 14064 ou du protocole sur les gaz à effet de serre, et se déclare climatiquement neutre, c'est du Green Washing. J'espère que cette initiative amènera beaucoup plus de transparence : les entreprises qui se targuent d'être climatiquement neutres devront le prouver avec des standards reconnus en considérant la totalité de leurs émissions, y compris le scope 3. Cela mettra une certaine pression sur les entreprises, mais je pense que c'est une bonne chose. Il faut que l'industrie effectue une transition crédible.

Vous semblez très positif concernant l'ordonnance européenne et ses implications…

Je le suis oui, car elle va jouer un rôle majeur pour l'évolution de l'industrie sur le chemin de la durabilité et de la circularité augmentée. Il y a tout de même une chose que je critique, c'est la lourdeur de la bureaucratie qui va en découler. Je pense qu'il aurait été possible de faire plus simple, plus intuitif, plus pragmatique. Le poids administratif lié au règlement va clairement peser sur les industriels. Là aussi, l'innovation digitale aura un rôle important à jouer, car elle pourra alléger cette bureaucratie. Autre point de critique : le règlement discrimine les plastiques en les soumettant à certaines règles auxquelles ne sont pas soumis les autres matériaux. Actuellement, nous ne connaissons pas encore tous les détails de cette ordonnance. En tant que représentant de Kunststoff.swiss au niveau européen, je rencontre mes confrères européens tous les trois mois à Bruxelles, et nous pouvons discuter ensemble des points qui ne sont pas clairs, et faire remonter nos questions. Pour que cela marche, il faudra des règles claires et uniformes concernant les rapports des pays à l'Union Européenne, les manières de collecter les données et de les analyser, afin de pouvoir comparer correctement les avancées d'un pays par rapport à un autre par exemple.

Il va falloir mettre en place des autorités compétentes en la matière. Cela va apporter beaucoup de discussions, mais c'est aussi ce qui est intéressant et pave le chemin du changement. MSM

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