Dossier : le plastique dans tous ses états Le pouvoir des additifs
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Andreas Auer, membre du comité d'organisation du Swiss Plastics Cluster, est également à la tête de deux sociétés actives dans la plasturgie : Colorplastic SA et ImproMat Sàrl. Toutes deux sont spécialisées dans l'ajout d'additifs dans les matières plastiques, ce qui permet d'obtenir des matériaux aux caractéristiques et applications très variées. Interview.

Comment vos deux entreprises se différencient-elles sur le marché ?
La société Colorplastic existe depuis bientôt 17 ans. ImproMat est une entreprise plus jeune, fondée en 2020. Nous fournissons aux industriels des masterbatches et des compounds, c'est-à-dire des granulés plastiques auxquels nous avons ajouté des additifs, soit pour en changer la couleur, soit pour lui apporter des caractéristiques spécifiques. La différence entre les deux sociétés se situe dans le fait qu'ImproMat est exclusivement active dans les additifs issus des nanotechnologies, de type graphène, marqueurs anti-contrefaçon et agents antibactériens et antiviraux.
Pourquoi ne pas avoir gardé toutes les gammes d'additifs sous un même toit ?
Nous devions pouvoir être en mesure d'assurer à nos clients une séparation stricte entre les additifs conventionnels et ceux issus des nanotechnologies. Ces derniers sont en effet très sensibles et très volatiles. La séparation en deux entreprises distinctes, avec des locaux séparés bien que voisins, et l'utilisation de machines dédiées, nous permettent de garantir qu'aucune trace d'additifs nano ne se trouve là où elle ne le devrait pas.
Quels sont les additifs conventionnels qui peuvent être ajoutés aux matières plastiques ?
Comme son nom l'indique, Colorplastic est spécialisée dans la coloration des matières plastiques. Nous proposons également des additifs que l'on peut qualifier de « classiques », tels que des anti-UV, et des antistatiques. Néanmoins, en tant que Colorplastic, nous produisons aussi des compounds multi-composants très complexes et d'une haute technicité, avec des matériaux de base que de nombreux concurrents n'osent pas approcher, pour cela nous disposons de machines appropriées. Il arrive maintenant que nos clients décident de modifier leur matière de base, en y ajoutant également des agents antibactériens et antiviraux par exemple. Or ces additifs sont issus des nanotechnologies. C'est alors que Colorplastic passe le relai à ImproMat.
Comment s'est développé la demande au niveau des additifs antibactériens et antiviraux ?
Bien que le marché existait avant, les besoins d'hygiène liés à la crise sanitaire ont évidemment accru de manière importante la demande de ce genre d'additifs. À la base, nous fournissions ce type de produits principalement pour des applications dans le domaine médical, pour la fabrication de poignées de portes et de plateaux-repas pour les hôpitaux par exemple. Désormais, les applications sont plus nombreuses. Nous fournissons également des masterbatches pour la fabrication de plateaux pour les cantines militaires et pour les EMS ainsi que des pinces à salade pour une chaîne de fast-food, et bien d'autres. Nous pouvons proposer à l'industrie mécanique par exemple l'ajout d'additifs antibactériens et antiviraux pour les poignées d'outils tels que les tournevis. Les applications sont nombreuses pour contribuer à l'augmentation de la sécurité sanitaire.
Ces additifs antibactériens et antiviraux ont le vent en poupe, qu'en sont-ils des autres types d'additifs ?
Les autres additifs que nous proposons chez ImproMat sont également de plus en plus demandés. Prenons l'exemple de l'additif anti-contrefaçon. Il fonctionne de la manière suivante : nous incorporons dans la matière plastique des marqueurs invisibles appelés nano quantum dots. Un objet fabriqué dans un plastique agrémenté de cet additif peut, grâce à un appareil de lecture des nano quantum dots, être reconnu. Cela permet aux organismes de contrôle, tels que les douanes, de différencier un original d'une contrefaçon. Les produits tels que l'alcool, le tabac, et les produits de luxe, sont des marchés demandeurs de ce type de technologie. Nous l'avons développée il y a environ 6 ans en partenariat avec une société israélienne basée à Tel Aviv. Ce sont eux qui fabriquent les nano quantum dots et l'appareil de mesure, et nous avons le savoir-faire pour implémenter ces marqueurs dans la matière de manière homogène.
Vous parlez de l'industrie du luxe : le plastique est-il en train de se faire une place dans cet univers ?
Le plastique n'est en effet pas la première à laquelle on pense lorsqu'on parle de luxe. Néanmoins, les applications se développent petit à petit dans ce secteur. L'utilisation de plastique recyclé par exemple revêt un pouvoir marketing de plus en plus important, et de nombreuses marques de luxe commence à s'y intéresser sérieusement. Dans l'horlogerie par exemple, on commence à trouver des marques haut de gamme qui proposent des montres avec bracelet en plastique.
Les aspects environnementaux prennent de plus en plus de place dans l'industrie. Proposez-vous une gamme s'accordant avec ces aspects ?
Nous proposons ce que l'on appelle des bioplastiques. Les composantes organiques sont par exemple de l'amidon, du maïs, du coquillage, de la fibre de bois. Les masterbatches peuvent être totalement ou seulement partiellement biosourcés. Pour certaines applications, un certain pourcentage de composantes plastiques sont nécessaires, en particulier pour obtenir des caractéristiques mécaniques spécifiques. Pour d'autres, du 100 % coquillage ou du 100 % bois fonctionnent parfaitement. Ces matériaux sont alors en mesure de complètement remplacer le plastique dans une application donnée. Le grand avantage est qu'ils s'utilisent, de la même manière que les plastiques conventionnels, les mêmes techniques de production.
Nous proposons également depuis quelques temps une de nos inventions, un additif que nous avons développé et qui, ajouté à la matière plastique conventionnelle, la rend totalement biodégradable. La matière gardera ses caractéristiques initiales tant qu'elle n'est pas mise en contact avec une biomasse. Dès lors que c'est le cas, elle se dégradera complètement en 3 à 6 mois. Pour souligner notre engagement à traiter l'environnement avec respect, Colorplastic est certifiée avec la norme environnementale ISO 14001 depuis de nombreuses années.
Ces bioplastiques sont-ils en train de prendre le dessus sur les plastiques conventionnels ?
Cela fait de nombreuses années que nous essayons d'amener nos clients à un changement vers les bioplastiques. L'intérêt est là depuis longtemps, mais le prix a longtemps été un énorme frein à cette évolution. La demande en matières premières respectueuses de l'environnement est désormais en constante augmentation, car l'écart de prix s'est fortement réduit. Un autre point non négligeable à considérer, sont les propriétés mécaniques du matériau. Pour certaines applications, les bioplastiques ne sont tout simplement pas encore au même niveau que les plastiques conventionnels, bien qu'ils s'en approchent progressivement. Les bioplastiques prennent donc de plus en plus de place sur le marché, mais pas encore de là à ce qu'ils supplantent les plastiques conventionnels.
Qu'en est-il du recyclage des matières plastiques ?
En termes de recyclage, les bioplastiques sont de bonnes options. On peut les récupérer, les rebroyer, et les utiliser de nouveau pour fabriquer des objets tels que des cintres. Un matériau composite, qu'il soit en partie biosourcé ou non, sera réutilisé tel quel, car il est très compliqué de séparer les matériaux. Si le plastique recyclé n'est pas à 100 % identique au plastique initial, c'est-à-dire si le tri n'a pas été correctement effectué, il faut bien être conscient que l'objet fabriquée avec le plastique recyclé n'aura pas les mêmes propriétés mécaniques qu'une pièce fabriqué avec le matériau initial. Colorplastic recycle beaucoup de matières broyées afin d'obtenir de nouveaux granulés utilisables à ajouter aux matériaux vierges à hauteur de 10 à 20 %, ou pour produire des articles entièrement recyclés.
Pouvez-vous nous parler des adjonctions de graphène ?
Il y a deux types de graphènes : le graphène qui peut être « activé », et le graphène conventionnel, que nous utilisons. En tant qu'additif, le graphène augmente considérablement les propriétés mécaniques telles que la résistance aux chocs et aux rayures, procure une résistance aux UV et est légèrement antibactérien. Ce type d'additif est donc en particulier utilisé dans les applications pipeline, ou pour la fabrication de bouées et autres objets flottants. On retrouve le graphène régulièrement dans le domaine aéronautique, ainsi que ceux des transports et de l'énergie, pour les châssis et éoliennes par exemple. Il peut être utilisé dans les plastiques souples autant que dans les plastiques rigides. Le graphène est également connu pour sa très bonne conductivité électrique et thermique, mais ces points ne sont pas particulièrement pertinents en ce qui concerne les plastiques.
Comment se développe ce segment de votre portefeuille ?
Le marché est déjà important, et il a tendance à se développer, surtout en Europe où il n'est pas encore aussi développé qu'aux États-Unis. Nous proposons ce type d'additif depuis 2012, mais à l'époque, le graphène était encore vu plus comme un domaine de science appliquée que d'applications industrielles. En outre le graphène était encore très cher il y a quelques années, mais il est désormais devenu une commodité. ImproMat est l'Agence Européenne de la société canadienne NanoXplore, qui est le plus grand producteur mondial de graphène. Nous agissons comme un intermédiaire pour les demandes de gros projets émanant d'Europe et sommes en mesure de fournir également de petites quantités de matières plastiques chargées de graphène, les plus grosses quantités, pour l'industrie automobile, film agricole, pipe-line, etc., étant préparées au Canada.
Quel est le procédé pour traiter une demande client personnalisée ?
Nos clients nous expliquent leur application et nous adaptons la matière, tant au niveau des additifs nano que des couleurs, afin de répondre à leurs besoins. Nous produisons alors un échantillon de matière que nous fournissons au client pour prototypage et tests. Bien que nous essayions évidemment de répondre aux besoins dès le premier batch, il peut arriver que les résultats des tests doivent être encore optimisés. Dans ce cas, nous partons sur une boucle itérative en ajustant les différents taux d'additifs dans la matière.
Peut-on mélanger tous les types d'additifs ?
En théorie oui. En pratique nous devons faire très attention à ce que les différents additifs n'interagissent pas de manière défavorable. Éviter cela est une spécialité de Colorplastic, c'est pourquoi nous devons parfois passer par des essais de façon très pragmatiques. Notre savoir-faire dans l'adjonction de différents types d'additifs dans la matière plastique est néanmoins un avantage non négligeable pour nos clients, car nous pouvons créer des masterbatches personnalisés réunissant les caractéristiques de plusieurs additifs dans un même matériau. Nous possédons notre propre laboratoire dans lequel travaillent deux chimistes sur des formulations spécifiques demandées par nos clients. Nous développons également nos propres matériaux que nous essayons ensuite de placer sur le marché. Pour ces développements, nous collaborons avec des industriels, comme c'est le cas pour les marqueurs anti-contrefaçon par exemple, mais également avec des experts de l'EPFL, de l'ETH ou de l'Université de Fribourg. L'innovation est importante car elle nous permet de nous démarquer de la concurrence. MSM
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