Fabrication additive métallique, un procédé avec lequel il faudra désormais compter FAM : ces technologies qui arrivent à maturité
Depuis 1995, la fabrication additive (FA) métallique ne cesse de bénéficier d'avancées technologiques majeures. Nouveau secteur de la mécanique générale, cette FA est maintenant utilisée aussi bien pour des prototypes uniques, des petites séries voir de moyennes séries en tant que procédé de fabrication à part entière.
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La grande majorité de pièces issues des FA métalliques demeurent cependant des ébauches qu'il faudra finir par des moyens d'usinage conventionnels. Malgré des coûts d'investissements élevés, l'avènement de la FA et sa démocratisation au sein des entreprises mécaniciennes ouvre la porte à de nouveaux concepts en autorisant la création de géométries complexes et subtiles qu'il était impossible de concevoir il y a quatre décennies.
D'après le fournisseur d'études américain SmarTech Markets Publishing, le marché de la fabrication additive est particulièrement dynamique puisqu'il est estimé à 6,6 milliards de dollars à l'horizon 2026.
Dopée par l'aéronautique, l'automobile, le médical et diverses fabrications industrielles, la FA métallique offre de nombreux atouts comme gagner en agilité et en coûts de fabrication. Plus que les autres technologies de la mécanique générale (fraisage, tournage, électro-érosion, rectification…) elle autorise l'obtention rapide de formes sophistiquées à partir de conceptions 3D pratiquement sans obstacles pour un porte feuille de matériaux toujours plus vaste. Ces façonnages peuvent intégrer des cavités, des treillis ou structures lattices ou encore des parois fines, autant de géométries difficiles, voir impossibles à réaliser avec les moyens conventionnels de transformation des métaux.
Combinant en un seul poste à l'atelier métallurgie et mécanique, cette révolution demande une réelle mutation de mentalités au niveau des bureaux d'études. Complexes à anticiper les facultés de la FA facilitent la conception de pièces aux fonctions améliorées notamment pour la gestion thermique de certains composants mécaniques par exemple.
La FA offre en plus des gains évidents d'allègement grâce aux structures lattices et à l'optimisation topologique, autant d'opérations qui, consistent à implanter le métal uniquement là où il est nécessaire. Outre le gain de masse, aspect très recherché pour les moyens de transport, la FA métallique permet, dans de très nombreux cas, de réduire le nombre de pièces finales en construisant d'un seul tenant, un élément mécanique qui aurait exigé l'assemblage de plusieurs composants pour une fonctionnalité équivalente.
Autre aspect largement favorable à la FA, c'est que ses propriétés mécaniques intrinsèques en statique sont souvent équivalentes, voire supérieures à celles des procédés classiques de fournitures des lopins métalliques tels que laminage ou fonderie.
Pour pièces unitaires ou petites séries
Enfin la possibilité de personnaliser, sans surcoût, une pièce est l'un des autres avantages de la FA car il lui est possible de fabriquer des éléments uniques, personnalisées, différents en un même cycle de production sur une même machine. Seul, le travail en amont sur les fichiers 3D va différer. Cette capacité est remarquable notamment pour le secteur médical, où chaque prothèse, par exemple, doit être exactement adaptée à la morphologie d'un patient donné.
La FA est apte aussi pour fonctionnaliser certaines surfaces, optimiser la gestion de liquides ou de gaz avec un raccourcissement des délais de fabrication.
Cependant, elle ne s'improvise pas vu l'investissement machine, la faible productivité des procédés, les opérations de post traitement et la formation des opérateurs. Les coûts de la FA restent un facteur limitant malgré les améliorations constantes apportées aux différents matériaux de base (fils, poudres, barres), aux unités et à leur environnement car l'investissement machine, les moyens nécessaires associés, logiciels d'études, périphériques, moyens de post-traitement (détensionnement, découpe des supports provisoires de fabrication, nettoyage, traitements thermiques, finition de surface), maintenance des unités de production, aménagement des locaux, gestion des risques, de l'hygiène (manipulation de poudres, fumées…) et naturellement formation de techniciens et ingénieurs ne sont pas à négliger.
Cependant, les progrès technologiques constants du secteur favorisent l'utilisation de la FA métallique pour les pièces unitaires ainsi que pour des séries restreintes.
Étape unique, étapes multiples
Une première catégorie de procédés à étape unique regroupe la fusion sur lit de poudre (PBF), fusion qui peut être réalisée avec un laser ou par faisceau d'électrons. Autre branche des procédés à étape unique, celle du dépôt métallique sous flux d'énergie concentrée (DED) soit appliquée aux poudres (cladding), soit sous forme de fil métallique comme pour le soudage (WAAM). Le « Metal binder jetting » est le dispositif de FA métallique à étapes multiples.
Quelque soit le procédé, les caractéristiques du métal d'apport (chimie, granulométrie, porosité, densité…) conditionnent le bon déroulement de chaque méthode de fabrication.
Certains fournisseurs de machines proposent l'approvisionnement des poudres ou des fils adaptés aux caractéristiques de leurs unités de production ainsi qu'à leurs stratégies de stockage et de recyclage. Sensiblement plus onéreuse, cette option sécurise l'utilisateur.
Complexe, longue et coûteuse à maîtriser, la fusion laser sur lit de poudre, « Power Bed Fusion Laser Beam Metal » (PBF-LB-M) est la technologie la plus répandue. Elle permet de solidifier de façon ciblée avec beaucoup de précision de la poudre métallique ayant une granulométrie comprise entre 20 et 45 µm pour des épaisseurs de couche de 20 à 100 µm. Le faisceau laser principalement de type fibre ytterbium (Yb) d'une puissance comprise entre 200 et 1000 W, orienté par des miroirs, balaye chaque section de pièce à réaliser en soudant les microparticules entre-elles sur plusieurs strates.
La cinétique du procédé est extrêmement rapide pour des gradients thermiques de l'ordre de 3000 °C/mm et des vitesses de chauffe et de trempe de l'ordre de 105 °C/s. Cette énergie fond la fine poudre métallique de la couche en construction qui s'agglomère aux couches inférieures. La longueur d'onde du faisceau influe sur la quantité d'énergie que le matériau absorbe et la microstructure de chaque élément de volume de pièce est impactée par l'histoire thermique complexe de la construction de la pièce à réaliser.
La fabrication débute sur un plateau support. Une fois la pièce terminée, une découpe sera nécessaire pour la séparer de son support. Une importante phase de nettoyage consiste, ensuite, à éliminer puis à recycler la poudre métallique non utilisée.
Enceinte sous vide et préchauffage
Ce procédé relativement lent affiche avec une productivité de l'ordre de 15 cm3/h pour une machine à laser unique de 400 W. Afin d'augmenter la productivité, les constructeurs développent des machines à lasers multiples avec deux, quatre voire même 12 lasers (voir encadré) qui vont balayer soit des zones indépendantes soit qui vont opérer en parallèle sur une même surface.
Exigence du procédé, certaines géométries de pièces nécessitent des supports de fabrication. Éliminés en fin de cycle, ces supports dissipent la chaleur, maintiennent les faces en contre-dépouille et anticipent sur certaines déformations provenant des contraintes résiduelles qui apparaissent durant la solidification du métal.
Comme le spot laser se déplace à une vitesse de l'ordre d'un mètre par seconde, les vitesses de refroidissement sont rapides, avec des solidifications qui engendrent des contraintes résiduelles. Pour s'en affranchir, les constructeurs maintiennent la chambre de travail à 200 °C environ et préconisent des stratégies spécifiques de lasage (en bandes, en damiers…).
En fin de fabrication, chaque pièce nécessite un post traitement thermique de façon à relaxer toutes ces contraintes résiduelles.
Une fois terminée, malgré la formidable précision du système, l'ébauche de la pièce sera terminée par des usinages précis et du polissage.
Vu ses coûts élevés, la fusion laser sur lit de poudre reste réservée aux pièces à forte valeur ajoutée qui souvent, nécessitent un long processus de développement.
Cousine du (PBF-LB-M), la fusion par faisceau d'électron est réservée à la transformation de poudres métalliques ayant une bonne conductivité électrique car la source d'énergie provient d'un faisceau d'électrons de 3 kW à 6 kW. Celui-ci est issu du chauffage d'un filament de tungstène. Son flux est ensuite accéléré par un champ électromagnétique. Le pilotage du faisceau (position et forme) est assuré par des bobines magnétiques. Le diamètre du spot varie de 100 à 400 µm et la fusion des grains de poudre s'opère par un effet joule très concentré pour des épaisseurs de couches de 50 à 100 µm. Champion de la vélocité, le faisceau d'électrons se déplace à très haute vitesse (jusqu'à 8000 m/s), ce qui autorise la fusion sur plusieurs zones en même temps. Indispensable, l'utilisation d'un faisceau d'électrons impose la mise sous vide de l'enceinte de fabrication entre 10-3 et 10-5 mbar. Autre particularité, la poudre est préchauffée (entre 600 à 750 °C) afin de fritter légèrement le lit de poudre.
Dépôts à gradients, possible avec le DED
Ce préchauffage élimine les contraintes résiduelles et favorise le maintient des pièces durant leur formation. L'épaisseur des couches varient entre 45 et 105 µm pour une granulométrie comprise entre 45 et 105 µm. De façon à garantir la qualité métallurgique des pièces, la fin du cycle se termine par un refroidissement de l'enceinte à l'hélium.
Avec ce précepte, la productivité de fabrication est importante, de l'ordre de 80 cm3/h. Les principaux matériaux utilisés sont le titane et ses alliages, le TiAL et d'autres métaux tels les Co-Cr, les Inconels, le Cu et différents aciers. Cependant, la granulométrie des poudres utilisées (45-105 µm), les épaisseurs de couches et la taille du spot entraînent un état de surface plus grossier qu'en fusion laser de poudre.
Les dépôts de métaux sous flux d'énergie concentrée ou DED (Direct Energy Deposition), sont classés en deux familles, alimentation sous forme de poudre ou alimentation sous forme de fil. Au niveau de la torche, l'énergie thermique focalisée provient soit d'un laser, soit d'un faisceau d'électrons, soit d'un plasma, soit d'un arc électrique. L'apport métallique est réalisé coaxialement ou latéralement à la source d'énergie (torche).
Le dépôt est réalisé sous vide avec le faisceau d'électrons, sous protection gazeuse localisée ou sous inertage de l'enceinte de fabrication lorsqu'un système est intégré dans uns structure robotisée ou dans une enceinte type machine-outil.
Les gradients thermiques très importants de ces procédés exigent systématiquement des opérations de relaxation à cause des fortes contraintes résiduelles. En outre, ces contraintes nécessitent des stratégies spéciales de programmation des trajectoires de torche. En effet, elles prennent en compte ces déformations dues aux concentrations de chaleur afin de les anticiper.
Concernant le DED poudre, l'injection se fait coaxialement au faisceau, ce qui facilite les dépôts multidirectionnels. En réparation et maintenance, cette technologie sert également au rechargement des pièces usagées.
L'option DED poudre autorise des dépôts à gradient via plusieurs distributeurs. Uniques, ces matériaux à gradient présentent une composition chimique, des microstructures donc des caractéristiques mécaniques susceptibles de varier graduellement au cours de la fabrication du composant. Ils associent les avantages de plusieurs matériaux en un seul élément pour mieux encaisser la corrosion, la température et l'usure ou à la fatigue.
Plus larges (1 à 5 mm) que hauts (0,3 à 2 mm), les dépôts sont en acier inoxydable, en aciers à outils, base cobalt, base nickel, alliages de titane et composites à matrice métallique.
Friction rotative ou projection
Par rapport aux autres techniques de fabrication additive métallique, le DED fil est champion de la productivité en déposition. Il utilise soit un laser (diamètre de fil entre 0,2 et 1,2 mm), soit un faisceau d'électrons (travaux sous vide avec un diamètre de fil entre 1,2 et 4 mm) soit un arc électrique (MIG-MAG, TIG). On y a recours pour la fabrication d'ébauches à partir de matériaux à forte valeur ajoutée (cf encadré WAAM) et pour des ébauches de grandes dimensions réalisées sous protection gazeuse localisée pour maîtriser les risques d'oxydation.
Dernièrement, l'Irepa Laser (France), avec sa technologie DED Clad (fusion laser), a réalisée une grande pièce en inox (117 kg) en 70 heures.
Le DED-Fil plasma affiche un taux de déposition de 1,8 kg/h, celui du DED-Fil-Tig, 1,5 kg/h et celui du DED-Fil-électrons, jusqu'à 10 kg/h. Ces technologies DED fil sont intéressantes car elles utilisent des métaux d'apport sous forme de fils normalisés aptes à être déposés en multi passes par des torches assez compactes, manipulables en 3D par des robots poly articulés cinq ou six axes pour des coûts modérés. Cependant, ces fabrications additives nécessitent impérativement des post-traitements de détensionnement avant finition en usinage conventionnel.
Pour résumer, la fusion laser ou par faisceau d'électrons sur lit de poudre permet des formes géométriques fines et complexes alors que les technologies de dépôt DED, bien moins précises concernent la génération d'ébauches de grandes dimensions, le rechargement, la réparation ou l'ajout de fonction sur des pièces existantes.
Les soudages par friction rotative ou friction linéaire sont aussi des moyens de fabrication additive pour les métaux. Toujours en développement et bien adapté aux alliages d'aluminium, le procédé de friction malaxage (dérivé du Friction Stir Welding), permet, via une machine et un outillage spécial, de générer, uniquement par friction, une liaison métallurgique forte entre les interfaces à assembler. Cette technologie très prometteuse sert à fabriquer des ébauches de pièces sans passer par la fusion du métal d'apport.
Enfin, le « cold spray », initialement issus d'un procédé de projection de revêtements complète les procédés de FA métallique à simple étape. Il consiste à utiliser l'énergie cinétique de microparticules métalliques projetées à vitesse supersonique (de 100 m/s à plus de 2500 m/s) sur un substrat ou sur des couches précédentes.
Pour tout matériau donné, il y a une vitesse d'impact des particules qui va constituer, en fonction des passes successives, un dépôt relativement dense. Plomb, étain, or, argent, zinc, cuivre, tantale, niobium, zirconium, aluminium, nickel, fer, acier, inconel, magnésium, titane… sont susceptibles d'être projeté par une buse de « cold spray ». Certains fabricants de machines-outils intègrent maintenant ce procédé au sein de la zone d'usinage afin de donner naissance à des pièces complexes multi matériau.
Maîtiser le retrait du MBJ
Seul procédé multi-phase de l'additif métallique, le Metal Binder jetting (MBJ) se déroule en deux étapes. Tout d'abord la fabrication d'une pièce « à vert » qui consiste à déposer des strates de poudre métallique sur lesquelles est projeté, comme avec une imprimante classique, un liant organique sur la section à créer d'une pièce en volume.
La consolidation de cette première étape est assurée par un d'étuvage qui durci le liant donnant naissance à une pièce « à vert » que l'on peut, manipuler puis nettoyer de la poudre inutile qui sera recyclée.
Ensuite, une phase de déliantage élimine le liant organique et ne laisse qu'une pièce métallique à la porosité élevée, de l'ordre de 35 à 40 %. Un frittage final à une température comprise entre 80 et 90 % de la température de fusion du métal est appliqué à la pièce dans un four ce qui provoque la coalescence des grains de poudre métallique.
Durant ce traitement thermique, la porosité diminue et la densité augmente avec un retrait quasi homogène d'environ 14 à 16 % tout en gardant les proportions de l'élément obtenu. Selon la géométrie de la pièce, un support de frittage sera nécessaire pour soutenir des parois en porte à faux ou pour accompagner le retrait de la pièce durant le frittage.
Le MBJ rend possible les formes particulièrement complexes y compris de type lattices. L'absence de supports soudés le rend compétitif vis-à-vis des procédés de fusion sur lit de poudre.
Intéressant pour les moyennes séries, avec de bons états de surface et des pièces très homogènes, il permet d'accéder à des nuances de matériaux déjà utilisés en métallurgie des poudres. Sans fusion, il autorise une production à l'ambiante sans nécessité d'inertage ou de mise sous vide.
En revanche, vu son retrait dimensionnel important, à maîtriser dès la conception, le défi du MBJ concerne la taille des pièces et plus un élément sera volumineux, plus il sera délicat de maîtriser ses tolérances dimensionnelles. Aussi les applications courantes ne dépassent pas 400 g. Naturellement, anticiper le retrait demande beaucoup d'expérience et de nouvelles compétences à acquérir. Affaire à suivre ! MSM
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